« Le royaume de Dieu est au-dedans de vous » (Luc 17, 21)
« Si tu savais le don de Dieu » (Jean 4, 10)
« Celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jean 11,26)
Voici un petit texte de Frédo en provenance d'un récit
de Hervé de Bellefon.
Prêtre et bûcheron, ayant tâtonné dans la nuit, souffert et beaucoup cherché, Frédo a débouché dans la lumière de la vie spirituelle et nous la propose :
«Dieu n'est au bout ni d'un savoir, ni d'un pouvoir ; il ne souffre aucune possession, il est une pauvreté attentive, un silence créateur, une paternité respectueuse et appelante, une tendresse patiente et disponible, une perfection extensive, un état permanent d'accueil et de don, une propension heureuse de son être, il est l'éternel présent, il est, dans l'homme, vérité, lumière et vie communicatives. Plus on vit avec Lui, plus on Le tait, mais plus on parle de l'homme, par ce qu'on Le saisit par ses manifestations intimes. »
« Plus deux personnes s'aiment, plus elles vivent dans l'ignorance explicite l'une de l'autre, plus elles se connaissent par communion. En Dieu, c'est identique. Il nous est trop intime, il fait trop partie intégrante de nous-mêmes pour que nous ayons le recul nécessaire pour l'appréhender. Il se vit, on expérimente sa présence, on se tait parce qu'Il est l'Indicible. Le mettre en formules, c'est le restreindre, l'enfermer. C'est pour cette raison que Dieu ne s'enseigne pas, mais se témoigne, se partage. On s'imprègne de Lui et, par ce surcroît d'humain ainsi reçu, on imprègne les autres. »
Nous vous proposons quelques extraits d’une rencontre de Frédo Bourdier avec un ami.
Dans votre exposé, pas une seule fois vous n’avez cité la prière…
Pour moi il n’y a pas de vie intérieure sans prière. Celui qui vit dans les zones intérieures qui sont des zones de contemplation, vit dans la prière.
Pour moi, la prière est la chose la plus dense, la plus nourricière, la plus humaine, de la vie spirituelle.
La prière, c’est ce qui émane de notre profondeur créatrice, c’est un état d’ouverture, de transparence. Alors, qu’on soit dans un état de demande, de reconnaissance, de joie, c’est notre être qui s’ouvre. C’est notre silence qui capte le silence de Dieu . Nous sommes irradiés, irradiés par Sa lumière ! Et tout cela, c’est le Silence. Alors rien ne nous rassemble, rien ne rassemble nos facultés, rien ne nourrit notre être total et toute notre dimension d’homme comme de tels moments. Alors nous prions. On n’a pas besoin de dire de mots. Et si des fois, il jaillit une parole, elle est l’expression de ce que nous sommes, et de ce qu’il y a en nous.
Justement ce soir nous méditions les Béatitudes. Alors il serait intéressant de connaître votre opinion sur la Pauvreté.
Je vais vous la définir par l’Evangile. Je pense que si on enlevait la béatitude de la Pauvreté de l’Evangile, la pauvreté de Jésus, il n’y aurait plus de Jésus ; d’abord les Béatitudes n’ont pas été annoncées comme ça, pas dans cet ordre, pas tout à la fois. Et puis Jésus les a répétées plusieurs fois, et jamais de façon identique, parce que dans ces zones, on ne répète pas, on redit les mêmes choses en les recréant continuellement parce que ce sont des choses vivantes en nous et qu’on ne peut redire qu’en les recréant sans cesse.
Jésus se définit ainsi : Sachez de moi que je suis doux et pauvre de cœur. S’il avait dit seulement : Je suis pauvre de cœur, c’était suffisant. Cette première Béatitude est la clé de toutes les autres, la clé de toute vie spirituelle, la clé de toute possibilité de rencontre entre nous ; c’est la possibilité d’accomplissement et de croissance de tout amour. On n’aime que dans un état de pauvre.
Quand Jésus nous parle des enfants : si vous n’êtes pas comme ces petits, vous n’entrerez pas………ou : je te remercie, Père, d’avoir révélé cela aux tout petits………..c’est l’attitude de pauvre. (…………..)
Pour passer la porte étroite, il faut être petit, pour passer le chas de l’aiguille, il faut être petit.
La pauvreté, c’est quand tous nos avoirs, soit d’ordre intellectuel, d’ordre matériel - essentiellement esclave du matériel - ce qui est pire c’est le savoir intellectuel, l’intellectualisme, le carcan religieux……… Dès qu’on croit être arrivé au plan religieux, dès qu’on est possesseur d’un savoir, ou même d’un état, c’est foutu !
Tous les disciples de Jésus, je dirais, tous les spirituels de n’importe quelle religion du monde, passent par dame pauvreté. Voyez François d’Assise. En vérité, c’est là notre richesse parce que tout ce superflu, ce carcan, tous ces masques, tout ce faux, nous font perdre la vraie direction pour laisser ce qui est vrai. Et nous ne sommes vrais que dans un état de pauvre. Mais nous ne sommes jamais aussi riches, il n’y a jamais autant de possibilité de richesse d’être que quand nous sommes pauvres en avoir. C ‘est là que nous savons communier avec Dieu et les autres. C’est donc par cette béatitude que tout est possible. Pour moi c’est le chemin royal, c’est l’unique chemin de l’accomplissement de l’homme. Jean de la Croix dit à peu près ceci : « Plus quelqu’un trouve son chemin intérieur, plus il entre en communication, en compréhension profonde, avec les autres spirituels ». Parce qu’il y a une approche intérieure. Il faut que nous revivions les mêmes choses pour pouvoir les redire dans notre langage d’aujourd’hui. …………………………..
François d’Assise n’avait besoin de rien. Il n’avait qu’à être François d’Assise. A plus forte raison, Jésus. (…) Les petites gens le suivaient, je dirais, jour et nuit, étaient béats devant cet homme, devant le rayonnement de cet homme : son regard d’ailleurs était la plus belle expression d’âme de pauvre. Ces petits ne comprenaient pas – l’évangile n’est d’ailleurs pas facile à comprendre, surtout qu’il faut prendre la bonne porte pour comprendre, si on ne prend pas celle-ci, on n’y pige rien…disserter sur l’évangile intellectuellement, on est à côté de la plaque, on n’y comprend rien – Alors, si on prend le « petit chemin », on s’approche de Jésus.
Il faut approcher le Christ par le dedans, comme tout spirituel. C’est ainsi qu’on garde Sa Parole, en la recréant pour ainsi dire chacun pour son propre compte. ……….
C’est en s’approfondissant que l’on rencontre l’homme et pas par une connaissance. Voilà toutes les sciences de l’homme à l’heure actuelle, et Dieu sait s’il y en a, mais ce n’est pas comme ça qu’on rencontre l’homme ; c’est par le profond, en descendant dans l’au-dedans. C’est là qu’on touche aux racines créatrices et à l’humain.
Et Jésus est allé si loin dedans que Sa parole ne passera jamais et qu’elle a pouvoir de ferment. D’ailleurs plus on en découvre en Jésus, plus il nous pousse vers l’Infini.
Mais alors tous ces gens de l’époque de Jésus, qui ne comprenaient rien, cela leur passait au- dessus de la tête, mais ils captaient beaucoup plus de Jésus par le regard, par l’oreille, par le dedans, que par l’intelligence. Ils buvaient ! Jésus n’avait pas besoin de faire du baratin et ces gens n’avaient qu’à être. La présence de Jésus est une présence tellement éveillante, tellement dynamisante de l’essentiel de chacun, que cela suffisait. C’est cela l’évangélisation . Ce n’est pas par le baratin qu’on peut évangéliser les petits et les pauvres. Un spirituel n’a pas besoin de baratin, il lui suffit d’être. Et puis nous sommes tous appelés à être ce spirituel………..c’est notre raison d’être homme, et cela qui que nous soyons, quoi que nous fassions. C’est qu’on en ait soif et faim, pas plus. Avoir soif et faim de tout son être, pas simplement par curiosité intellectuelle.
Dans le monde dans lequel on vit, on est confronté à des problèmes de profession, avec l’acharnement de gagner sa place, l’argent et quand on a soif de cette rencontre avec l’autre, on se fait taper dessus.
Vous savez, le disciple n’est pas au dessus du maître. Je vais vous répondre par la parole même de Jésus : Occupez-vous d’abord du Royaume, ce Royaume qui est au dedans de vous, et tout le reste vous sera donné par surcroît.
Or, qu’on passe pour des pauvres types, pour ne pas faire comme tout le monde, qu’est ce que cela peut faire ? Si on a la vraie richesse !
On parlait tout à l’heure de pauvreté, mais on n’aime pas passer par là. On voudrait à la fois avoir les honneurs du monde et les biens du Royaume. Il faut choisir un peu. Cela ne veut pas dire que nous sommes en dehors du monde, mais Jésus nous l’a bien dit : nous sommes dans le monde, mais vivant de valeurs autres que celles du monde.
Ce n’est pas facile à vivre….
Ah ! Je ne vous dis pas que c’est une voie facile. Je vous dis que c’est une voie heureuse. Et cela est tout différent. Pour vivre une vie de l’ordre des Béatitudes, dans le monde, il faut du courage, il faut des instants de solitude, de silence, donc de prière, pour se maintenir dans cette voie, qui est une petite voie, difficile, et où nous avons tant besoin de nous rencontrer, de nous aider les uns les autres, pour pouvoir garder le petit chemin.
Qu’on nous prenne pour des pauvres types, tant pis, nous, nous savons que nous vivons dans ce domaine et que cette joie, personne ne peut nous l’enlever !
Quelques paroles de Sœur Véronique, ou proposées par Sœur Véronique :
A propos de la Prière de Jésus, celle de Frédo…..après le catéchisme, il appelait les parents et avec les enfants, il nous faisait réciter le « Notre Père »
Il le disait lentement avec une telle intensité que l’on ressentait la Présence de Jésus.
Un homme de Busseau sur Creuse m’a dit un jour : « je ne suis jamais ressorti d’un office de Frédo ( messe ou baptême ou enterrement) comme j’y étais entré »
Et Sœur Véronique ajoute encore :
… Ce dernier bulletin est un trésor : « Avec Dieu c’est toujours la fête »
….et encore :
C’est vrai, c’est une fête intérieure toujours nouvelle – avec des hauts et des bas, c’est humain – mais dans le fond il y a une sérénité qui fait tenir et avancer.